2023 : dernière ligne droite avant l’application de la nouvelle CCN de la métallurgie

31 Jan 2023

Le 7 février 2022 voyait le jour la nouvelle convention de la métallurgie, qui se substitue à 76 conventions territoriales et 2 conventions nationales, à l’issue de six années de négociation. L’élément central est une nouvelle classification applicable dans toutes les entreprises de la branche le 1er janvier 2024. À moins d’un an de l’échéance, force est de constater que de nombreuses sociétés, en ce début 2023, n’en sont encore qu’aux balbutiements. Or, la mise en œuvre dans les règles de la nouvelle classification peut s’apparenter à un travail de dentellière, particulièrement complexe. À cela s’ajoute les impacts directs ou indirects sur les statuts collectifs de l’entreprise. Vrai sujet pour les directions, il l’est aussi pour les représentants du personnel de la métallurgie.

La nouvelle classification impose une consultation du CSE

Le changement emblématique porté par cette nouvelle convention concerne la classification des emplois. Dans un souci de simplification et d’harmonisation, il a été décidé que tous les salariés de la branche soient positionnés sur la base d’un même référentiel et d’une seule grille. Le rattachement d’un salarié à un positionnement dans la grille reposera sur la cotation de son emploi établie après application de critères classants.

Dans un premier temps, il s’agit de produire, voire d’actualiser une fiche d’emploi reprenant les activités réelles pour chaque emploi ; cette description doit être transmise à chaque salarié avant validation définitive. Puis, il faut effectuer une pesée de chaque emploi au regard de six critères classants (complexité de l’activité, connaissances, autonomie, contribution, encadrement-coopération, communication), chaque critère étant décliné en degrés d’exigence allant de 1 à 10. La somme des degrés obtenus pour chaque critère donne un total de points qui permet de placer l’emploi dans une classe d’emplois (de 1 à 18), elles-mêmes regroupées dans 9 groupes d’emplois (de A à I).

Cette cotation des emplois doit donc s’anticiper, car la convention stipule qu’il ne doit pas y avoir de transposition automatique, ni de tableau de correspondance entre les systèmes actuels et le futur système. La frontière entre deux degrés, donc deux classes ou deux groupes peut être extrêmement ténue. C’est évidemment un enjeu majeur pour les emplois charnières entre les catégories non-cadres et cadres.

Avant la mise en œuvre de la nouvelle classification, la direction doit consulter le CSE sur les « modalités envisagées pour la mise en œuvre de cette classification dans l’entreprise », et les moyens techniques et humains pour déployer le chantier, ce qui permettra aux représentants du personnel de mieux appréhender la méthode employée, de remonter les difficultés qu’elle pourrait susciter, de s’assurer que l’égalité de traitement sera garantie et que les dispositifs de recours et de suivi sont prévus et efficaces.


Il faudra notamment être capable d’assurer l’objectivité de la cotation, là où souvent existent des distorsions entre la représentation de l’emploi que se fait la direction, voire le management direct, et la réalité de son exécution par le salarié. Cette phase de communication est névralgique et ne doit pas être sous-estimée par la direction.

Enfin, un angle mort porte sur les cas des représentants du personnel exerçant un mandat « lourd », en particulier pour les permanents. Sur quel emploi s’effectuera la cotation ? Comment seront prise en compte leurs compétences acquises au titre de leur mandat ?

L’évolution de la CCN ne se résume pas à la classification

Par ailleurs, les négociateurs ne se sont pas arrêtés à la seule classification, de nouvelles normes ont été édictées pouvant rentrer en confrontation et bousculer les pratiques et les conventions d’entreprises.

Un régime de protection sociale unique a été instauré avec la définition d’un socle minimal. Les entreprises avaient jusqu’au fin 2022 pour se mettre en conformité. S’y ajoutent de nouvelles règles sur l’indemnisation complémentaire pour maladie ou accident, sur les conséquences d’une déclaration d’inaptitude ou en cas de licenciement pour absence prolongée.

Les clauses de non-concurrence sont précisées. Les durées de préavis en cas de démission, départ volontaire ou de licenciement sont revues. Il y a également une nouvelle définition de l’ancienneté. De plus, il est acté un nouveau dispositif unique d’aménagement du temps de travail. Les critères déterminant qu’un salarié peut relever du forfait jours ainsi que les majorations afférentes sont affinés.

Les partenaires sociaux incitent également à augmenter les moyens des représentants du personnel, notamment pour la commission santé et conditions de travail, de créer de nouveaux rôles syndicaux selon la taille et la configuration de l’entreprise, de sensibiliser les salariés et les managers sur le rôle des IRP… pour autant que ces points soient réellement normatifs.

Enfin, la nouvelle convention de branche fixera au 1er janvier 2024 une nouvelle grille de salaire minimum hiérarchique et en définira ses composants. De même, elle consacre une prime d’ancienneté pour les salariés non-cadres ayant au moins 3 ans d’ancienneté ; ainsi que les contreparties salariales au travail en équipes successives et au travail exceptionnel de nuit, le dimanche ou un jour férié.


Pour conclure et pour assurer aux salariés le maintien de leur niveau global de rémunération dans le cas où l’application de la nouvelle convention collective nationale entraînerait une baisse de celle-ci, il est institué une garantie conventionnelle individuelle de rémunération.

Tous ces éléments peuvent donc percuter les statuts collectifs en place et nécessiter une révision des accords collectifs qui faisaient référence à la CCN ; d’où l’ouverture de nouvelles consultations à prendre en compte dans l’agenda social.

Comment vous faire accompagner ?

Comme souvent la direction de l’entreprise a la maîtrise de la méthode et du calendrier pour mettre en place les nouveaux dispositifs conventionnels. Il serait évidemment souhaitable que les représentants du personnel soient associés le plus en amont possible de la démarche, comme le préconisent les signataires de l’accord de branche.

En ce sens, la négociation préalable d’un accord de méthode peut permettre d’organiser le dialogue social à chaque étape et thématique de mise en oeuvre de la nouvelle CCN . En complément de votre syndicat ou fédération, n’hésitez pas à interpeller votre expert CSE pour qu’il vous conseille. Néanmoins la direction peut toujours choisir d’y aller « en solo ». C’est à elle que revient d’effectuer la cotation des emplois. De plus, le sujet étant à la fois complexe et source de nombreuses contestations de la part de salariés, il n’est pas certain que les élus aient intérêt à participer à ce travail de cotation s’ils ne sont pas assurés que leurs points de vue soient pris en compte.

Pour autant, dans le cadre de sa consultation sur « les modalités envisagées pour la mise en œuvre de la classification dans l’entreprise », le CSE peut choisir de recourir à l’assistance d’un expert, financée par son budget de fonctionnement. Dès lors que la déclinaison de la nouvelle convention impacterait les conditions de travail et par extension pourrait influer sur la santé des salariés (changement de modalités de temps de travail, évolution des objectifs de rémunérations, changement du système d’évaluation), cette consultation pourrait également faire l’objet d’une expertise pour « projet important » ayant des conséquences sur les conditions de travail, au risque toutefois qu’elle prête le flanc à des contestations par la direction.

Par ailleurs, nous conseillons aux élus de se former et de mobiliser leur expert sur ce sujet dans le cadre des consultations récurrentes que sont les orientations stratégiques et la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail. Le CSE aura alors beaucoup plus de latitude pour accéder à l’information et pouvoir apporter une lecture critique sur la méthode, l’impact du changement de CCN sur les statuts collectifs de l’entreprise, effectuer des simulations pour apprécier les positionnements à venir au regard de la nouvelle classification comme les impacts sur les grilles de rémunérations ou les futurs positionnements par rapport aux minima conventionnels.

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