Consultation stratégique chez SFR distribution : la justice rétablit le droit à l’information

12 Juil 2021

Le tribunal judiciaire de Nanterre a renvoyé dans les cordes SFR Distribution (filiale de 2400 salariés du groupe de télécoms), rappelant les contours d’un véritable droit à l’information :

  • « L’expert-comptable et le CSE accèdent à toutes les informations utiles et pertinentes, y compris celles détenues par le groupe décisionnaire de la stratégie », peut-on lire notamment dans le jugement.

SFR Distribution est née du rapprochement de la direction grand public de SFR/Numéricable et des filiales SFD et 5 sut 5. Elle a notamment en charge la gestion du réseau des boutiques Espace SFR en propre et des partenaires indépendants. En gros – ce détail a son importance pour la suite -, SFR distribution est détenu à 60 % par Altice France (ex-SFR Group), elle-même détenue par la société mère Altice Europe, aux Pays-Bas. Une procédure d’information-consultation sur les orientations stratégiques avait démarré en décembre au niveau du CSE central et Sextant Expertise avait été désigné pour accompagner les élus. La même consultation a eu lieu au sein de SFR Distribution.

Étrange changement de stratégie

Le 3 mars, les élus du CSE de cette entité ont été convoqués à une réunion extraordinaire avec, à l’ordre du jour : « Suite de l’information en vue de la consultation du CSE concernant les orientations stratégique de SFR Distribution ». Lors de cette réunion, un addendum de 15 pages a été distribué aux élus, détaillant une accélération de la transformation de SFR Distribution, avec une nouvelle organisation à la clé, etc. Il est alors annoncé aux membres de l’instance que ce changement aura des conséquences sociales sur les effectifs mais le détail en sera donné dans une procédure ultérieure. En quelque sorte, prétextant d’un changement brutal de contexte économique en raison notamment de la crise Covid-19, explique Richard Koskas, l’avocat du CSE, la direction a présenté alors au CSE une nouvelle stratégie ayant pour conséquence la suppression de 400 emplois dans l’entreprise et 1400 au sein de l’UES SFR.


Ce qui a amené le CSE de SFR Distribution a voter, ce même 3 mars, une délibération portant sur un recours à une expertise, Sextant Expertise étant logiquement désigné dans le prolongement de sa mission précédente sur les orientations stratégiques. SFR Distribution a accepté ensuite de transmettre quelques documents mais une fin de non-recevoir a été opposée pour la plupart d’entre eux.

Parmi eux, figuraient :

  • le plan stratégique du groupe ;
  • les ordres du jour du board d’Altice Europe NV ;
  • les extraits de PV du board sur tous les points se rapportant à la stratégie concernant SFR Distribution et les restructurations ;
  • les prévisions de volume d’ETP au global de SFR Distribution et en boutiques à trois ans ;
  • Etc.

Halte à la demande d’une data room

En outre, les deux demandeurs (CSE et Sextant) ont demandé au juge de proroger le délai de consultation de l’instance de deux mois et par voie de conséquence, d’interdire à l’entreprise de mettre en œuvre la stratégie jusqu’à la clôture de cette consultation. De son côté, SFR Distribution a formulé plusieurs oppositions, étant entendu que la demande globale était infondée et abusive. Un, le tribunal judiciaire devait se déclarer incompétent. En clair, la demande du CSE visait à obtenir la suspension du PSE, une demande qui relève du tribunal administratif. Et deux, à titre subsidiaire, si jamais le juge faisait droit à la communication des documents, qu’elle soit accordée au seul bénéfice de Sextant dans une data-room dédiée à cet effet. Le tribunal a accordé au CSE et à Sextant la plupart de leurs demandes.

La BDES ne peut pas tout, a rappelé en substance le tribunal : « l’absence de détermination légale d’informations spécifiques à transmettre au CSE pour la consultation sur les orientations stratégiques n’induit pas une limitation du contenu de cette information y compris dans le cadre de la seule BDES ». Autrement dit, celle-ci n’est qu’un des vecteurs de fourniture de l’information nécessaire.

Enfin, concernant la création d’une data-room, par laquelle l’employeur souhaitait limiter l’accès de l’expert aux documents dans un cadre contraignant, cette demande de SFR Distribution est balayée par le tribunal judiciaire. « Dans beaucoup de cabinets défendant les entreprises, se développe l’idée qu’il faut réduire les prérogatives de l’expert en limitant son accès à l’information, poursuit Richard Koskas, avocat du CSE. En voulant imposer la consultation des pièces dans une data room sous surveillance d’avocats, qui légalement est réservée aux cessions, SFR Distribution a tenté de compliquer l’exécution pratique de la mission de l’expert ». Sans succès par conséquent. L’obligation de confidentialité permet d’accéder à l’information sensible sans qu’il n’y ait lieu à la mise en place d’un tel dispositif, a tranché le tribunal judiciaire de Nanterre.

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