L’emploi des salariés séniors : un enjeu de négociation à venir

17 Oct 2022

Le recul de l’âge de départ à la retraite envisagé par Emmanuel Macron place le maintien dans l’emploi des salariés séniors dans l’entreprise comme un sujet prioritaire. Sextant Expertise s’est plongé dans l’étude de 16 accords comprenant un volet sur l’emploi des séniors : quels enseignements tirés de ces accords signés ces dernières années sur le sujet ?

L’EMPLOI DES SÉNIORS EN QUELQUES CHIFFRES1

Le taux d’emploi des 50-64 ans en France est supérieur à son niveau d’avant crise sanitaire : 65,5% en 2021 contre 64,5% en 2019. Néanmoins, la France se situe à la traine des pays européens en matière d’activité salariée des séniors avec un taux d’emploi de 53% des 55-64 ans en 2019 contre une moyenne globale de 60%. Par ailleurs, si le taux de chômage en France est globalement en recul par rapport à 2019, il reste stable à 5,7% parmi les plus de 50 ans en 2021.

LE GOUVERNEMENT ENVISAGE UNE RÉFORME DES RETRAITES À L’ÉTÉ 2023 ET UN NOUVEAU REPORT DE L’ÂGE DE DÉPART À LA RETRAITE À 65 ANS

Mais repousser l’âge légal du départ à la retraite au-delà de 62 ans, sans agir pour augmenter le taux d’emploi des seniors, n’est-ce pas risquer un renforcement des chiffres du chômage et une paupérisation des retraités ? Comment conduire les entreprises à améliorer leur politique RH et leurs pratiques de gestion des âges en veillant, pour les salariés séniors :

  • Au maintien, à l’adaptation et au développement de leurs compétences ;
  • A l’anticipation de leurs évolutions de carrière dès l’âge de 45 ans ;
  • A la valorisation de leurs expertises et expériences professionnelles tout au long de leur parcours ;
  • A la lutte contre les discriminations liées à l’âge ;
  • Et, enfin, à l’accompagnement de la transition de la fin de leur carrière vers la retraite ?

La voie de la négociation collective s’impose pour répondre à l’ensemble de ces enjeux.

CEPENDANT, L’OBLIGATION LÉGALE DE NÉGOCIER SPÉCIFIQUEMENT SUR L’EMPLOI DES SALARIÉS SÉNIORS EST DEVENUE QUASI INEXISTANTE

Le cadre légal des négociations sur l’emploi des salariés séniors est nettement moins incitatif depuis 2017 avec la suppression du contrat de génération. A ce jour, seule la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) prévoit un volet sur l’emploi des salariés âgés, un thème néanmoins voulu facultatif par le législateur2. Le rapport Bellon3 de janvier 2020 résume bien la situation : « En quelques années, on est ainsi passé d’une sur règlementation bridant toute velléité d’adaptation par la négociation « locale », à un Code du travail qui donne toute liberté aux acteurs du dialogue social en entreprise, y compris celle de ne rien faire ! ».

Désormais, l’emploi des salariés séniors est un sujet transverse aux différentes négociations en entreprise (GEPP, télétravail, temps de travail…) dont il peut faire l’objet de mesures spécifiques. Celles-ci sont éparses et ne sont donc pas forcément toujours constitutives d’une politique ou d’un plan d’actions construit en tant que tel, et ambitieux.

Certaines entreprises continuent néanmoins à privilégier une négociation dédiée à l’emploi des salariés séniors et plus largement aux enjeux transgénérationnels. Toutefois, depuis 2020, la priorité a été donnée aux répercussions de la crise sanitaire. Les accords sur le sujet, généralement négociés pour trois ans, ont souvent fait l’objet de prorogations, ce
qui pose aujourd’hui la question de la pertinence des mesures négociées.

LES ACCORDS D’ENTREPRISES DÉDIÉS À L’EMPLOI DES SÉNIORS4 : QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER ?

En premier lieu, il est nécessaire de s’entendre sur la définition d’un sénior qui peut varier d’une entreprise ou d’un secteur à l’autre. Un état des lieux sur la situation des séniors dans l’entreprise paraît essentiel comme point de départ des négociations afin de cibler les revendications pertinentes, mais aussi de garantir un meilleur suivi de l’accord. Parmi les 16 accords étudiés, seulement deux ont posé un diagnostic préalable. Or celui-ci peut préciser les caractéristiques de la population, les projections de départ en retraite, leur rémunération, leur taux d’accès à la formation, etc…

Globalement, il convient de veiller à la cohérence entre les objectifs affichés en préambule de l’accord et la nature des mesures retenues. En d’autres termes, les mesures orientées vers le départ des salariés à la retraite ne devraient pas prendre plus de place que celles liées au développement et au maintien dans l’emploi des salariés séniors, comme
c’est fréquemment le cas.

L’accord doit également comporter des objectifs chiffrés relatifs à l’emploi des salariés séniors. Or, parmi les 16 accords étudiés par Sextant Expertise, seulement la moitié s’engage sur un maintien de la part des séniors dans l’entreprise. A peine 4 précisent une part minimum d’embauches séniores, un seul accord détaille les moyens pour y parvenir. Les mesures pour favoriser le développement de l’emploi des séniors sont peu abordées, elles peuvent toutefois l’être par ailleurs, dans un accord GEPP tout comme les mesures liées à l’évolution professionnelle des salariés séniors dans l’entreprise.

LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES EST UN POINT CRUCIAL EN FAVEUR DU MAINTIEN DE L’EMPLOYABILITÉ DES SALARIÉS SÉNIORS


Neuf accords étudiés sur 16 intègrent un volet formation. Les engagements sur le sujet doivent néanmoins se traduire de façon concrète avec des indicateurs précis tels qu’un taux d’accès des séniors à la formation équivalent aux autres populations, un pourcentage dédié du budget formation… ou des mesures valorisant certains dispositifs de formation, par exemple, la VAE assortie d’une prime d’obtention du diplôme, un bilan de compétences financé intégralement par l’employeur, etc…

Un accord ne peut se passer de mesures d’accompagnement vers la retraite qui peuvent représenter un coût non négligeable pour l’entreprise. Sur la base des accords étudiés, favoriser l’accès des séniors au temps partiel en fin de carrière est le plus répandu (14 accords étudiés sur 16), avec pour certains une prise en charge partielle de la perte de rémunération et/ou le maintien des cotisations sur la base d’un temps plein. 9 accords proposent également des mesures portant sur une revalorisation de l’indemnité retraite et/ou une aide au rachat de trimestres et/ou une prime pour compenser le coût d’une complémentaire santé.

Enfin, le dernier point d’attention concerne la pénibilité au travail, la moitié des accords étudiés intègrent principalement des mesures d’aménagement des postes de travail. Or, entre l’allongement de la vie professionnelle et le vieillissement des salariés, il y a urgence à prévenir l’usure professionnelle, un levier de maintien durable dans l’emploi pour l’ensemble des salariés de l’entreprise.

POUR MIEUX NÉGOCIER : ANALYSER LA SITUATION DES SÉNIORS

La complémentarité entre le CSE et les délégués syndicaux joue à plein pour préparer la négociation sur l’emploi des séniors. Que le sujet fasse l’objet d’un accord unique ou soit intégré dans chaque négociation obligatoire, il s’agira pour le CSE d’intégrer la question des séniors dans les missions confiées à l’expert sur la politique sociale et sur les orientations stratégiques afin de permettre aux OS de disposer d’un diagnostic objectif de la situation.

Pour en savoir plus sur nos négociations, suivez ce lien !


1 – Insee : Enquête Emploi T4 2021 et 2019
2 – Article L. 2242-21 du Code du travail
3 – Extrait du rapport « Favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés » (rapport Bellon) de janvier 2020
4 – Sur la base d’une analyse Sextant réalisée à partir de 16 accords dédiés à l’emploi des salariés séniors signés en 2020 et 2021 dans les secteurs banque/assurance, de l’industrie, l’agro-alimentaire, la distribution, les services.

Anne-Sophie Grolleau

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